Le complexe de la sorcière. Un héritage empoisonné ?

Publié le 12 Avril 2022

Facettes de la culture congolaise de Jean Nzoho

Vous qui me connaissez, vous savez à quel point j’affectionne ce qui gravite autour du monde invisible, des chamans, des sorciers, devins et autres êtres aux dons variés, que ce soit d’un point de vue sociologique, culturel ou comme une vraie expérience de vie.

J’ai eu la chance de rencontrer en Afrique, un talentueux conférencier qui m’a énormément appris sur le sujet des sorciers : Jean Nzoho. Il a d’ailleurs écrit un livre passionnant sur le sujet : Facettes de la culture congolaise (disponible sur Amazon) que je recommande à tous ceux qui s’intéressent à la culture congolaise.

C’est d'ailleurs suite à mon séjour au Congo et à cette rencontre que j’ai écrit mon deuxième roman : Le sorcier blanc.

Le monde invisible est ensuite resté présent dans mon troisième roman Une fille en danger et dans le quatrième Le temps des scarabées.

Il y a quelques jours/semaines, je me suis dit que j’allais passer à autre chose, qu’il était temps de tourner la page de Gérard Coutard et du monde invisible.

Sorcières de Mona Chollet

Et puis je suis tombée sur le livre passionnant de Mona Chollet : Sorcières, la puissance invaincue des femmes. Le livre ne parle pas du monde invisible, ce n’est pas un roman non plus, il examine la chasse aux sorcières d’un point de vue sociologique, historique et avec un regard féministe.

J’ai été scotchée quand je me suis rendu compte que derrière l’expression Chasse aux sorcières se cache un véritable génocide, celui des femmes qui ont subi cette répression pendant plus de quatre siècles.

La plupart des historiens n’admettent pas la notion de génocide pourtant, ce sont bien les femmes qui étaient visées, mises à mal par une propagande misogyne absolument terrifiante qui a pris de l’ampleur peu de temps avant Le marteau des sorcières (traité publié en 1486 qui est devenu un véritable best-seller propulsé par l’arrivée de l’imprimerie. Il appelle à la haine, à la torture et à la condamnation des sorcières. Marteau : pour casser les os des sorcières, au sens propre.)

Jeanne de Brigue, première sorcière brûlée vive

La première sorcière condamnée par le Parlement de Paris (Jeanne de Brigue) fut brûlée en 1391 et la dernière (Anna Göldin) fut exécutée en Suisse en 1782. La chasse aux sorcières n’a pas eu lieu au Moyen-âge comme on le croit souvent, mais pendant la période que l’on appelle Les temps modernes !

Le nombre de victimes varie selon les historiens, mais on retrouve souvent le chiffre de 100 000 procès en Europe. 80 % étaient des femmes et 80 % ont été exécutées. Ces chiffres ne tiennent pas compte des exécutions sans procès ou des décès liés à la torture ou au suicide. Quand on lit les rapports des inquisiteurs sur les méthodes utilisées pour faire avouer tout et n’importe quoi, on se dit que la plupart de ces malheureuses devaient rendre l’âme bien avant d’arriver sur le bûcher. Et quand elles y arrivaient, et malgré l’horreur de cette mise à mort, c’était un soulagement.

Le complexe de la sorcière de Isabelle Sorente

Il est difficile de rapporter le nombre de sorcières inquiétées, torturées, brûlées par rapport à la population en général, mais la plupart des historiens s’accordent à dire que les bûchers de sorciers et sorcières ont traumatisé une bonne partie de la population. Qui ne le serait pas ? Surtout quand une simple délation suffisait à incriminer la victime. Comment vivre un tel drame pour les proches, la famille, l’époux, les enfants, n’importe qui assistant à ces scènes terrifiantes ?  

Je me suis donc interrogée : quel est l’impact de ces traumatismes sur nos vies actuelles ? Si autant de famille a été touchée, y aurait-il, dans nos inconscients, un héritage ? Un souvenir resté caché quelque part dans nos cellules et transmis de génération en génération ?

C’est en faisant des recherches sur cette question que je suis tombée sur le livre de Isabelle Sorente : le complexe de la sorcière. Cette question, elle se l’est posée, elle aussi et j’ai dégusté son roman du début à la fin, me sentant moins seule dans mes angoisses existentielles.

Le complexe de la sorcière de Isabelle Sorente

J’ai adoré la lecture de ce livre que j’ai lu comme un roman/témoignage poignant. Le sujet de l’impact des chasses aux sorcières sur ses aïeux et donc sur elle-même est bien abordé. Le récit enchaîne ensuite sur le terrible harcèlement scolaire qu’elle a subi de manière prolongée et qu’elle analyse comme la continuation d’un harcèlement générique, celui que les femmes de sa lignée ont supporté depuis que la misogynie les menace de les mener sur le bûcher.

Et voilà, ce sujet me passionne, donc.

Je commence l’enquête. Qui étaient ces femmes ? Que s’est-il passé précisément ? Comment ont-elles résisté (enfin, celles qui ont réussi à rester vivantes) ?

Si la chasse aux sorcières pouvait s’abattre sur n’importe qui (la délation y allait de bon train !), elle visait aussi et surtout des femmes âgées, veuves, vivant un peu à la marge (et donc sans la tutelle d’un mari) ou bien des femmes possédant des qualités de sage-femme, de guérisseuses, ou ayant un rapport privilégié avec la nature, les plantes et le monde invisible.

Toujours lui, le monde invisible. Et voilà que j’y reviens.

En attendant, je m’intéresse beaucoup à Jeanne de Brigue, la première sorcière brûlée. Elle était connue pour ses dons de guérisseuse et de voyance. J’ai déjà l’impression de la connaître et j’ai envie d’écrire sur elle.

La suite, bientôt…

 

 

Rédigé par Cara Vitto

Publié dans #Lire, #Écrire et publier

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