J’ai enfin compris en quoi consiste la réécriture au féminin de la guerre de Troie selon Pat Barker

Publié le 8 Avril 2022

Le silence des vaincues de Pat Barker

J’ai enfin compris en quoi consiste la réécriture au féminin de la guerre de Troie selon par Pat Barker

Je reviens sur Le silence des vaincues que j’ai récemment commenté dans le post Des mythes au féminin.

Ce roman a attiré mon attention, car il se présente comme «  une formidable réécriture de la guerre de Troie au féminin », mais, en le lisant, j’ai eu du mal à comprendre en quoi le regard féminin de Pat Barker réécrivait le mythe.

L’autrice adopte le point de vue de Briséis, reine devenue esclave et il m’a semblé que raconter la vie d’une femme réduite au rang d’esclave qui regarde des héros s’entretuer ne constituait pas une révolution féministe, bien au contraire.

Mais ça, c’était avant que j’arrive au dernier chapitre où tout s’est éclairé dans ma petite cervelle de moineau. C’est pourtant évident !

J’ai enfin compris (mieux vaut tard que jamais) en quoi ce roman constitue une réécriture du mythe. L’autrice ne présente pas Achille, Ulysse, Agamemnon, Hector, et toutes les grandes figures guerrières de la mythologie comme des héros, des combattants et des super-puissants, mais comme les auteurs de crimes de guerre, des crimes infâmes donc, des violeurs, des barbares, des esclavagistes démunis d’humanité et qui jouent à faire la guerre avec toute la brutalité et l’horreur que cela implique.

Dans cette réécriture, il n’y a pas d’histoire d’amour. Les femmes sont réduites au statut de chose, de proie, de trophée et sont jetées, sacrifiées, violentées, violées sans aucune empathie. Le héros est en fait un grand psychopathe : la personne est une chose, on peut en faire ce que l’on veut.

C’est en cela, il me semble que ce mythe est revisité et je comprends à présent en quoi ce point de vue est important. La guerre et la force ne sont pas glorifiées dans cette réécriture. Les prises de guerre sont montrées sous leur jour le plus cru : des esclaves, des choses que l’on violente à souhait. La guerre glorifiée des mythes est montrée comme toutes les guerres, elle est sale et elle est moche. La guerre, ça fait mal, ça tue, ça violente et ça viole. La guerre, on ne devrait pas la glorifier. Il serait temps de changer nos archétypes, vous ne trouvez pas ?

 

« Et si pour une fois au cours de tous ces siècles, exceptionnellement, les dieux insaisissables tenaient parole et accordaient à Achille la gloire éternelle pour sa mort prématurée sous les remparts de Troie… ? Que penseront-ils de nous, ceux qui vivront dans ces temps si lointains qu’ils sont inimaginables ? Il y a une chose que je sais : ils ne voudront pas de la réalité brutale de la conquête et de l’esclavage. Ils ne voudront pas entendre parler d’hommes et de garçons massacrés, de femmes et de filles vendues comme esclaves. Ils ne voudront pas savoir que nous vivions dans un camp de viol. Non, ils préféreront une version édulcorée. Une histoire d’amour, peut-être ? J’espère simplement qu’ils arriveront à déterminer qui étaient les amoureux. »

Du coup, j’attends la sortie en format poche de la suite de ce roman : Les exilées de Troie

Le silence des vaincues de Pat Barker

 

 

Rédigé par Cara Vitto

Publié dans #Lire

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